Au milieu des débats qui opposent l’agriculture à l’écologie, on perd facilement de vue le but de la pensée écologique. On la tronque et la caricature pour en faire une quête de lunatiques déconnectés des réalités. Toutefois, s'engager pour la biodiversité naît d’une clairvoyance douloureuse de ce que sera notre futur si nous ne nous adaptons pas et ne protégeons pas le monde dont nous faisons partie.
Les philosophes ont longtemps loué la soi-disant supériorité de l’Homme. Au XVIe et XVIIe siècle, on pouvait quand même lire des phrases comme:
“Une seule pensée de l’homme vaut plus que l’univers tout entier.”
Saint Jean de la Croix
“Mais, quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu’il sait qu’il meurt, et l’avantage que l’univers a sur lui; l’univers n’en sait rien.”
Blaise Pascal
Les mentalités ont bien évolué depuis, notamment grâce aux travaux de Charles Darwin, qui a montré que l’évolution n’est pas une pyramide qui consacre l’espèce humaine en son sommet, mais un réseau mué par les forces adaptatives.
“Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s'adaptent le mieux aux changements.”
Charles Darwin
Néanmoins, l’idée d’une supériorité de l’espèce humaine sur le reste du vivant est encore vivace, et le droit d’exploiter la nature comme une ressource faite pour les humains, encore ancrée dans de nombreuses cultures à travers le monde.
Les argumentaires en faveur de la protection de la biodiversité s’appuient fortement sur le concept de “services écosystémiques” pour illustrer notre dépendance, notamment économique, vis-à-vis de la nature. Si ce concept est un outil puissant de communication, il consacre encore la nature comme une ressource POUR l’être humain.
S’engager pour la protection de la biodiversité, c’est placer les humains au même niveau que les autres espèces, comme une pièce dans l’échiquier complexe du vivant. Certains croient que cela signifie faire passer les humains après les autres espèces, non ! On cherche l’harmonie, le droit pour tout être vivant de vivre décemment.
Si nous persévérons dans nos modes de vie actuels, ce sont de nombreuses espèces, par ailleurs parfaitement adaptées à leur environnement, qui disparaîtront à cause de nos activités. Ce seront également de nombreuses populations humaines qui seront mises en danger par les agissements inconsidérés et incontrôlés de quelques pays.
S’engager pour la protection de la biodiversité est une démarche profondément humaniste, de préservation du vivant y compris des humains. La lutte écologique va de pair avec la lutte sociale.
En adoptant cette vision pour le vivant, humain et non-humain, nous pouvons adopter les changements transformateurs recommandés par l’IPBES et le GIEC. Des changements qui s’inscrivent directement dans une démarche d’adaptation pour que tous les humains sur Terre aient accès à une qualité de vie décente.
S’engager pour la protection de la biodiversité, c’est donc aussi proposer des solutions pour assurer la pérennité des femmes et des hommes à travers le monde, sur la base de modes de vie construits avec et non pas aux dépens des écosystèmes.
Hubert Reeves, grand vulgarisateur scientifique disait : “L'Homme est l'espèce la plus insensée, il vénère un dieu invisible et massacre une nature visible ! Sans savoir que cette nature qu'il massacre est ce dieu invisible qu'il vénère !”
Revenons à la raison, préservons la biodiversité.
Dr Manul